Patronat et syndicats ont mis fin à leurs tentatives de compromis concernant la prise en compte de la pénibilité dans l'âge de départ à la retraite. C'est à Xavier Bertrand qu'il reviendra de trancher.
Aucun compromis n'aura donc été trouvé entre les syndicats, qui demandaient un départ en retraite anticipé pour les salariés ayant occupé des postes pénibles (travail de nuit, répétitif, exposé au bruit intense ou aux vibrations, port de charges lourdes, manipulation de produits toxiques), et le Medef qui proposait un aménagement à mi-temps payé 60 % de l'ancien salaire durant les deux ou trois dernières années d'activité. Toute entorse à ce principe est assimilée par l'organisation patronale à la création de « nouveaux régimes spéciaux ». Ce dispositif aurait été limité à 10 000 salariés par an, sélectionnés selon des critères drastiques (être âgé d'au moins 58 ans, avoir travaillé 40 ans dont la majeure partie soumis à un facteur de pénibilité, avoir été soumis à trois facteurs de pénibilité pendant au mois dix ans).
La question du financement des départs anticipés aura constitué le point d'achoppement des négociations, le patronat refusant de prendre une partie de cette charge à son compte, contre la volonté du gouvernement qui souhaitait une participation financière supérieure des entreprises. Dans sa proposition de temps partiel, le Medef posait ainsi comme condition que l'Etat paye les 40 % complémentaires.
Ces négociations entraient dans le cadre de la réforme des retraites de 2003, introduite par François Fillon, qui allonge la durée de cotisations nécessaire pour obtenir une pension pleine. Au point mort depuis trois ans, la rencontre d'hier, réclamée par le ministre du Travail Xavier Bertrand, constituait l'ultime tentative d'accord entre les partenaires sociaux.
La balle est désormais dans le camp du gouvernement, qui ne disposera même pas d'un relevé de conclusions malgré certains points d'accord en matière de prévention, ce qu'ont regretté la CFDT et la CFE-CGC. Il pourra en revanche s'appuyer sur un rapport du député UMP des Yvelines Jean-Frédéric Poisson, favorable aux prises de position du Medef, comme s'en est félicité François-Xavier Clédat. De quoi inquiéter les syndicats, dans un contexte de restrictions budgétaires et de durcissement général des conditions de travail.
Déclaration de la CGT
A la dernière réunion du 16 juillet (1), le Medef n’est pas venu avec la volonté d’aboutir à un accord.
Le dernier texte proposé est en recul sur un certain nombre de propositions antérieures. C’est le cas notamment de : • la cessation d’activité anticipée liée à la pénibilité qui était dans le précédent texte et qui a disparu ; • la réduction du nombre de bénéficiaire qui passe de 42 000 par an (chiffre déjà trop faible) à moins de 10 000, soit un chiffre divisé entre 4 et 5.
De plus, la confirmation pour le salarié de quarante annuités d’activité, le cumul du nombre d’expositions, le principe de la commission médicale pour valider les critères de pénibilité…
Le patronat n’a pas manifesté la moindre intention de bouger ses propositions.
Aucun compromis n’étant possible, le Medef a considéré les négociations terminées.
Quelle va être la suite ?
La négociation pénibilité découlait de l’article 12 de la loi Fillon de 2003 portant réforme des retraites, le gouvernement est donc responsable de la continuité du dossier. S’il s’appuie sur les bases du texte du Medef et/ou du rapport Poisson, nous serons devant les mêmes difficultés.
Il devra prendre en compte : • la réalité du besoin de réparation face aux mauvaises conditions de travail subies par certains salariés ; • le besoin d’une véritable politique de prévention.
Aujourd’hui, l’intérêt pour l’employeur n’est pas de réduire la pénibilité : • il est gagnant quand le salarié travaille sur des emplois pénibles ; • il est gagnant en raison d’une plus faible espérance de vie de ses salariés, il paye moins de cotisations et aucune pénalisation financière ne l’incite à réduire la pénibilité.
Nous sommes dans un système immoral où l’entreprise peut se reposer sur les pouvoirs publics.
Pour la CGT, ce dossier n’est pas pour autant clos. La Cgt le mettra comme une priorité dès la rentrée et particulièrement lors de la journée du 7 octobre sur le travail décent. Il s’agit de
porter cette exigence qui consiste à ce que les salariés puissent bénéficier d’un temps équivalent en retraite en bonne santé. C’est une question de justice sociale.
Montreuil le 17 juillet 2008
(1) la délégation de la CGT était composée de : Jean-Christophe Le Duigou, Mijo Isabey, Eric Aubin, Yves Bongiorno, Jean-François Naton